vendredi 24 juin 2016

The Strokes – Past, Present and Future EP #thestrokes




On les croyait morts dans d’interminables guerres d’égo, au bord de la rupture, plus accaparés par leurs projets perso : Albert Hammond Jr qui nous fait du Strokes en solo et Julian Casablancas qui nous fait du n’importe quoi avec the Voidz. Et bien, à la surprise générale, voici un EP et donc 3 nouveaux titres qui apparaissent et l’annonce d’un possible prochain album.

Autant vous le dire tout de suite, cet EP ne révolutionne rien, les Strokes nous font du Strokes. On retrouve tous les traceurs classiques du groupe : le son des guitares, la voix de Julian grave et détachée, avec quelques fulgurances aigues, capacité découverte grâce à Daft Punk et déjà développée sur l’album précédent. C’est même un retour aux sources.

Donc 3 titres c’est peu, mais c’est mieux que rien. Je ne parle pas du remix dispensable de Fab Moretti tellement plus inspiré quand il nous faisait du Little Joy.
Drag Queen ne me transporte guère, même si l’essai cold wave est plutôt bien vu, on pense à Joy Division parfois, plutôt un bon point.
Oblivius est plus sympathique, très typique du son Strokes, avec une guitare qui sonne comme un synthé, l’autre qui tricote autour, les refrains éructés, un solo tendu avec un passage plutôt 80’s en raccord avec leurs dernières sorties, sans compter la voix de tête sur le pont.
J’aime particulièrement Threat Of Joy, plus légère et nonchalante (le bégaiement de Casablancas pour retomber dans les temps est génial), mais toujours tellement Strokes (le refrain). Ça passe tout seul, c’est cool, presque comme dans le début des années 2000.

L’écoute de ces 3 titres donne l’impression d’un retour en arrière, d’un retour aux basiques du son Strokes. C’est moins aventureux, certes. On leur a reproché ça sur Room on Fire, certes. Mais au final ça donne l’impression que tout le monde a participé et s’est retrouvé, plutôt que d’être aux ordres d’un Casablancas empli de lubies synthétiques (pas forcément toutes mauvaises) comme sur les 2 précédents opus, tellement irréguliers.
Et est-ce qu’en fait, après avoir longuement critiqué le fait que les 2 premiers albums se ressemblaient trop on n’en redemanderait pas?
De quoi être confiant pour l’avenir ?
Peut-être. Un LP est en préparation.



The Who live à Toulouse au Zenith le 14 juin 2016 #thewho


C’est toujours délicat ces concerts de « Dinosaure du Rock », c’est mon cinquième après Ray Davies des Kinks, Brian Wilson des Beach Boys, Bruce Springsteen et Sir Paul McCartney et juste avant Neil Young la semaine prochaine. Vont-ils nous décevoir ? Qu’est-ce qu’on attend d’eux ?

Pour les Who, leur souhait ne s’est pas réalisé « hope I die before get old » comme ils disaient. Ils sont vieux. Plus que Springsteen qui peut encore physiquement se permettre des 1, 2, 3, 4 rock n roll ! Les Who jouent du rock engagé, plus engagé que la pop de Brian qui se joue assis devant un piano ou celle de Ray nous faisant Dead End Street à la guitare sèche. Je ne compare pas à Polo, c’est un extra-terrestre, point barre.

Bref en voyant arriver sur scène le sosie de Jean Pierre Marielle (Pete Townshend) et le sosie de Christian Constant avec une perruque de David Hasselhoff (Roger Daltrey) d’un pas peu assuré, on pouvait avoir peur. On voit mal Pete, avec ses lunettes de vieux attachées par un cordon fracasser sa guitare sur l’ampli. Et portant…

En fait le résultat est plutôt surprenant. Commençant direct par du lourd avec Can’t Explain, Pete nous prouve qu’il a toujours du mordant, ça mouline grave, il triture sa Stratocaster (fini les Rickenbacker, il a changé d’écurie) dans tous les sens et envoie sévèrement à grand renfort de ses fameux moulinets de bras. Et ceci pendant tout le concert. C’est lui les Who, l’esprit, le mordant. Pareil derrière les fûts, le fils de Ringo Starr, Zak Starkey martèle comme un bœuf à la façon du regretté Keith Moon. La basse tenue par Pino Palladino fait le job et est diablement en place, il pousse aussi le mimétisme avec John Entwistle en ne bougeant strictement pas. 

En fait le problème c’est Roger. Il est trop vieux pour ces conneries le Roger. OK il continue à lancer le micro, à faire 2, 3 pas de danse, mais niveau vocal il ne tient plus la cadence. Non pas qu’il chante mal, au contraire c’est plutôt bon. Mais quand ça commence à s’accélérer, il s’étouffe et le volume diminue. J’aurais dû lui jeter ma ventoline ! Bon ce n’est pas sur tous les titres mais ça se ressent. Et personne n’est là pour l’aider (comme avec Brian Wilson ou le backing band aide sur le chant), les autres sont là que pour les chœurs.

Parlons des titres, évidemment que des classiques, des titres des 60’s : Substitute, I Can’t Expain, The Kids Are Alright, My Generation, I Can See For Miles (géniale), un meddley Tommy : Amazing Journey, Sparks, Pinball Wizard, See Me, Feel Me, un peu de Quadrophenia, du Who’s Next : Who Are You, Bargain, Behind Blue Eyes, Baba O’Riley et Won’t Get Fooled Again et des singles à la pelle : Join Together et The Seeker des 70’s, You Better You Bet et Eminence Front (le seul bof du concert) plus récents.

21 titres, pas de rappel mais un concert généreux. Ils sont contents d’être là, ça se voit et ça transparait. Il y a de la fougue, ça bouge, de l’émotion aussi – sur Behind Blue Eyes ou sur l’instrumental The Rock avec comme fond des images d’actualité des 70’s à nos jours. Et il y a surtout ces moments géniaux qu’on attend particulièrement, comme l’arrivée de la guitare sur Pinball Wizzard, l’intro de Baba O’Riley, le solo de basse de My Generation, la partition de batterie de I Can See For Miles, les moulinets de Pete, l’agressivité de la batterie et tout ce qui fait les Who.

En tout cas ça faisait plaisir à voir. Pete est toujours là et c’est toujours l’un des plus grands guitaristes.


Who the fuck is the who ? nous demandaient les jeunes il y a pas longtemps à l’issue d’une histoire de plagiat. C’est l’histoire, la vieillesse délinquante, le refus de vieillir, même si leur génération est en train de se décimer grave, Pete, guitare à la main continue de déchirer la nuit à grand coup de médiator sans respect pour les vieux. Prudemment, quand même, il ne saute plus. Ce serait dommage de se faire un col du fémur.

Twin Peaks – Down In Heaven #twinpeaks




Autrefois infréquentables, immatures et sérieusement garage, les Twin Peaks essaient de s’acheter une conduite et une caution pop avec ce troisième album. Et ils y parviennent plutôt bien.

Dans Twin peaks, tous les membres composent et presque tout le monde chante, du coup, le disque ressemble à un patchwork bigarré. On y trouve quelques résurgences garage (Butterfly), limite pop, du rock classique ascendant Stones (Walk To the One You Love, Keep It Together et sa guitare circa Gimme Shelter), de l’Americana 70’s (Getting Better) mais aussi quelques fulgurances pop magnifiques (Lolisa très 60’s, You Don’t, les guitares «Real Estate » de Cold Lips ou de Holding Roses) et surtout une production digne de ce nom et plutôt bien sentie (la montée de cuivre de Heavenly Showers est géniale).
On y trouve surtout des mélodies imparables et de super compositions toujours à cheval entre plusieurs mondes.
Ce que l’on ressent le plus à l’écoute de cet album, c’est sa coolitude, cette nonchalance, cette décontraction et cette facilité de glandeurs prodiges. Mais il ne faut pas s’y tromper tout est plutôt travaillé et minutieux. Ça m’a pas mal fait penser à The Vaccines, enfin avant le catastrophique dernier album…
Toujours est-il que cet album fait du bien avant l’été, ça ne révolutionne rien, certes, mais c’est frais, un peu pêchu parfois, plus calme de temps en temps, il y en a pour tous les goûts. Bref, c’est à écouter !


Max Jury – Max Jury #maxjury



On va nous faire le coup tous les ans du jeune prodige ? Après Tobias Jesso Jr, voici venir Max Jury pour un premier album plutôt exceptionnel. On croyait la place déjà prise cette année par Lionslimb, va falloir se serrer sur le podium, voire laisser sa place !
Comme Tobias, Max s’arme de son piano pour composer des hymnes universels, même encore moins marqués, plus intemporels.

Les influences sont multiples bien que toutes américaines, on y entend bien sur l’americana de Laurel Canyon cher à Neil Young mais aussi Gram Parsons (comparaison plus qu’évidente), de la soul un peu blanchie par sa voix de jeunot (Home et le refrain de Ella’s Moonshine très Otis des docks de la baie), du Gospel (Numb), un peu de country (Ella’s Moonshine) et plus généralement de la pop 70’s façon Elton John (Grace), Randy Newman, John Lennon (Love That Grow Old) ou piano corde plus classique (Great American Novel).

Mais ce qui frappe tout de suite c’est sa capacité à sortir des mélodies lumineuses, imparables et plus qu’accrocheuses qu’on ne peut qu’apprécier. Dès la première écoute on reste scotché sur les refrains de Beg & Crawl et de Ellas’s Moonshine ou le magnifique pont de Love That Grows Old.
Magnifiquement écrit, cet album est aussi richement produit (et pas nécessairement vintage), et le tout sans enlever la sincérité du propos. Sincère, intimiste, plein de spleen avec une voix toujours juste et touchante sans pour autant être une « super voix ».

Je promets un très grand avenir au jeune Max, il le mérite, car ce très bel album est vraiment pour l’instant la révélation de l’année.
D’ailleurs je vous invite aussi à écouter ce qu’il a fait avant, plus classique, moins produit mais tout aussi intéressant !

Où est passé le reggae? Fat Freddy’s Drop – Bays #fatfreddysdrop



Il y a encore 10 ans le reggae était omniprésent en France et plus largement en Europe. Terre d’accueil des jamaïcains chassés de chez eux par le dancehall, le RnB et le rap, la France s’était prise d’un engouement reggae, rocksteady, ska, calypso. Il n’était pas rare de trouver en concert, même dans des coins de France reculés, les Wailers, Toots et ses Maytals, Max Romeo, Les Gladiators, Horace Andy, Alton Ellis, les antiques Skatalites, Israel Vibrations, Winston McAnuff, et d’autres stars moins connues des sixties et seventies jamaicains. Après les skinheads et les mods des sixties, les hippies seventies, les new mods et les rude boys des eigties en angleterre, c’est la France qui avait pris le relai. Les maisons de disques commençaient à re-produire des disques de ces idoles jamaïcaines un peu vieillissantes, à débusquer de vieux musiciens un peu oubliés façon Buena Vista Social Club en Jamaique.

L’engouement était tel que des groupes hexagonaux se mirent aussi au diapason. Il y en avait pour tous les goûts, du ska énervé, plus proche de la chanson française avec Sinsemilia, Babylon Circus ou La Ruda Salska, (bof bof bof) du plus commercial avec Pierpoljak, Mister Gang, voir Tryo ou K2R Riddim, du plus proche de l’original, un peu hommage avec Orange Street, Rude Boy System ou les très jazzy Jim Murple Memorial.

Mais cette vague n’a pas supportée le tournant des années 2000. Et Dieu que ces enregistrements ont mal vieilli. Honnêtement, j’étais un grand fan à l’époque mais je n’arrive plus objectivement à écouter un album entier de K2R Riddim autrement que par nostalgie. Alors que les classiques seventies n’ont pas pris une ride (pas les Bob c’est trop facile ! mais un petit War ina Babylon de Max Romeo ou un Marcus Garvey de Burnin Spear garde sa fraicheur, tout comme les albums reggae de Gainsbourg enregistrés avec Sly et Robbie). Et écouter un petit rocksteady genre Paragons ou Alton Ellis de 1967 (accompagné obligatoirement d’un ti punch) vous emporte toujours autant. D’ailleurs à noter, Trojan est en train de remasteriser son catalogue, il était temps.

Donc la mode du reggae français est passée de date, périmée. Même les djougs écoutent de l’électro et ont rangé les djembés.

Où est donc le reggae de nos jours ? Mort et enterré ? Résumé à des reprises de Bob Marley ?

En cherchant, on trouve du reggae dans les pays nordiques (ne cherchez pas la cohérence géographique), le dernier album d’Erlend Oye en est la preuve, petite pépite de reggae pop classique, mais aussi ses petits protégés de Kakkmadaffakka.

On trouve bien par-ci par-là des emprunts appuyés dans la pop contemporaine, le reggae est devenu une source d’inspiration comme une autre, plus noble et c’est tant mieux. Le dernier Arcade Fire est très imprégné de rythmes syncopés et de guitare à contretemps. Comme en témoigne un bon nombre de chansons de Reflektor et plus particulièrement Woman of a Certain Age, qu’on retrouve dans les faces B de Reflektor sorti l’année dernière. Le dernier Woods comporte un titre reggae, comme sur les galettes de Christopher Owens ou Calexico. Et je ne parle pas de Vampire Weekend. D’ailleurs ils deviennent quoi ?

Mais le vrai pays du reggae est devenu la Nouvelle Zélande. Ça vous en bouche un coin ça ?

Avec une poignée de groupe plutôt bon : Katchafire, The Black Seeds et surtout Fat Freddy’s Drop, les Kiwis sont dorénavant les portes paroles du reggae moderne. Relayés au cours des années 2000 par radio Nova, ils se constituent une petite aura sans sponsoring et sortent du carcan classique du reggae grâce à de nombreuses influences venant de leur pacifique natal et une touche réellement pop.

En fait c’est surtout Fat Freddy’s Drop qui impressionne. Depuis 2006 ils nous proposent une musique exigeante, mélangeant de plus en plus le reggae et le dub à de électro, du rock, du jazz ou de la soul.

Je ne me suis procuré que maintenant le dernier album de Fat Freddy’s Drop, sorti en fin d’année dernière, Bays. Un très bon disque où ils poussent encore plus loin les mélanges. Voici donc ma petite chronique.


Des mélanges et des nouveaux sons il y en a ! On y trouve de l’électro pop tout juste syncopé avec Wheels, grandiose et à tendance techno house avec Razor, un peu lounge avec Cortina Motors qui ressort un petit côté St Germain plus organique. De la soul et du jazz avec la très belle Makkan, du funk et de l’afro beat avec Fish In The Sea (fuk survolté sur la fin d’ailleurs) ou Wairunga Blues qui ouvre magnifiquement l’album.

Et bien sûr, encore du reggae classique, comme avec Slings and Arrows : grosse ligne de basse, skank appuyé et puissant, cuivre, solo de trombone avec reverb et aussi un son 8 bit plutôt détonant. Et surtout la délicate 10 Feet tall qui flirte gentiment avec le dub et apporte une touche de mélancolie.

9 titres hybrides, certains plutôt long faisant penser à de grosse jam sessions.

On le voit même eux s’extirpent du format reggae « classique » et le frottent à d’autres styles, et c’est là, la solution pour le faire (sur)vivre, ne pas reproduire toujours la même chose, garder l’essence (le contretemps, une certain façon de chanter, une basse bien ronde, une batterie oubliant quelques temps et à coté des temps) et évoluer. Cet album et ce groupe ne peuvent plus être classé reggae, ils sont bien plus loin.

Le Reggae est mort, vive le Reggae